Site icon

Les pfas c’est quoi : conséquences pour l’industrie, les collectivités et les finances publiques

Les pfas c'est quoi : conséquences pour l’industrie, les collectivités et les finances publiques

Les pfas c'est quoi : conséquences pour l’industrie, les collectivités et les finances publiques

Les PFAS sont partout. Dans l’eau, dans les emballages, dans les textiles, dans le sang de la quasi-totalité de la population mondiale. Longtemps considérés comme des produits miracles de la chimie moderne, ils deviennent aujourd’hui un risque économique, juridique et budgétaire majeur.

Pour les industriels, les collectivités et les finances publiques, la question n’est plus de savoir si le sujet va coûter cher. Mais combien. Et à qui.

PFAS : de quoi parle-t-on exactement ?

Les PFAS (pour per- et polyfluoroalkyl substances) sont une famille de plus de 4 700 composés chimiques. Leur point commun : des liaisons carbone–fluor extrêmement stables. En clair : ça ne se dégrade presque pas.

On les appelle parfois « polluants éternels ». Une fois dans l’environnement, ils y restent des décennies, voire plus. On les retrouve :

Cette performance technique a un prix. Un prix sanitaire, environnemental… mais aussi économique et budgétaire.

Un problème sanitaire et environnemental… qui se traduit en coûts

Les PFAS s’accumulent dans l’organisme. Ils sont associés à différents risques :

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et plusieurs agences nationales classent certains PFAS parmi les substances extrêmement préoccupantes (SVHC). La pression réglementaire monte donc rapidement.

Côté environnement, les PFAS :

Ce cadre posé, la question qui intéresse ici est simple : comment cette contamination « invisible » se traduit-elle, très concrètement, pour l’industrie, les collectivités et les finances publiques ?

Pour l’industrie : un risque triple – réglementaire, financier, réputationnel

Les entreprises sont à la fois utilisatrices, émettrices… et parfois déjà cibles potentielles de litiges. Trois dimensions se dessinent.

Un mur réglementaire en approche

Au niveau européen, une restriction globale des PFAS est en préparation dans le cadre du règlement REACH. Cinq pays (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Suède) ont déposé une proposition visant à interdire, à terme, la plupart des usages non essentiels.

Conséquences probables pour les industriels :

Pour les entreprises, cela signifie des coûts de R&D, de requalification des produits, de re-certification… et parfois de remise en question de modèles d’affaires entiers.

Des risques juridiques et indemnitaires en forte hausse

Aux États-Unis, la jurisprudence PFAS donne une idée de ce qui pourrait arriver en Europe. Des géants comme 3M ou DuPont ont déjà consenti à des accords transactionnels de plusieurs milliards de dollars pour des contaminations d’eau potable.

En Europe, les premiers contentieux montent. En Belgique, le scandale autour de l’usine 3M de Zwijndrecht a déjà entraîné :

En France, le cas de Pierre-Bénite, près de Lyon (usine Arkema), a mis le sujet à l’agenda médiatique et politique. Les associations et riverains s’organisent. Les collectivités commencent à se retourner vers les industriels pour chercher des responsabilités… et donc des cofinancements.

Pour les entreprises, le risque est clair :

Un enjeu d’image… qui se chiffre

Les PFAS sont devenus un sujet médiatique « toxique ». Pour une marque, être associée à des « polluants éternels » a un coût réputationnel difficilement quantifiable, mais bien réel.

On l’a vu avec certains grands noms de l’outdoor ou du textile qui ont dû réagir en urgence, sous la pression des ONG et des consommateurs, pour annoncer des gammes « PFAS-free ».

Ce coût se matérialise par :

À l’inverse, les entreprises qui anticipent et communiquent tôt sur la sortie des PFAS peuvent en faire un avantage concurrentiel. Mais cela suppose des investissements dès maintenant.

Pour les collectivités : eau potable, sols, urbanisme… et confiance des habitants

Les communes, intercommunalités et régions se retrouvent en première ligne, souvent malgré elles. Non pas parce qu’elles ont produit des PFAS, mais parce qu’elles doivent gérer leurs effets visibles : la qualité de l’eau, des sols, de l’air… et les inquiétudes des citoyens.

La bombe à retardement de l’eau potable

L’un des premiers fronts, c’est l’eau. En France, un plan de surveillance renforcé des PFAS dans les eaux destinées à la consommation humaine a été lancé. Résultat : de nombreux captages présentent des concentrations mesurables, parfois au-dessus des futures valeurs guides.

Conséquences pour les collectivités et les syndicats d’eau :

Un rapport de l’ONG CHEM Trust estime que la facture potentielle de traitement des PFAS dans l’eau potable, à l’échelle européenne, pourrait se chiffrer en dizaines de milliards d’euros sur les prochaines décennies. Qui paiera ? La question est encore largement ouverte.

Pollutions des sols et enjeux d’aménagement

Les PFAS ne concernent pas que l’eau. Les sols à proximité de certaines industries, aéroports (mousses anti-incendie), casernes de pompiers, polygones d’essais peuvent être contaminés.

Impact direct pour les collectivités :

Dans certains cas, des maires se retrouvent face à des choix difficiles : interdire la consommation de produits locaux ? Renoncer à des projets sur des terrains déjà acquis ? Affecter d’autres usages, moins sensibles, mais moins rentables ?

Communication de crise et confiance sanitaire

À partir du moment où des PFAS sont détectés au-dessus de certaines valeurs, la collectivité doit décider : faut-il communiquer, comment, jusqu’où ?

Cette gestion de l’information a un coût :

Sans oublier l’impact politique : pour un élu local, être perçu comme passif ou dans le déni sur un sujet sanitaire est potentiellement explosif. Ce risque politique accélère souvent les décisions d’investir… même quand la responsabilité juridique de la collectivité est minime.

Pour les finances publiques : un nouveau « trou noir » budgétaire en formation

La facture PFAS ne se limite pas à quelques stations d’épuration modernisées. Elle touche potentiellement tous les niveaux de la dépense publique : État, agences, collectivités, systèmes de santé, justice.

Dépollution : des montants difficilement soutenables

Les opérations de dépollution impliquant des PFAS sont particulièrement coûteuses. Les technologies existent, mais elles sont :

Un chiffre indicatif : aux États-Unis, les estimations du coût total de nettoyage des PFAS dans les systèmes d’eau potable oscillent entre 200 et 400 milliards de dollars sur 30 ans. L’Europe suit une trajectoire similaire, même si les chiffrages sont encore incertains.

En France, même sans chiffres consolidés, on voit déjà plusieurs postes de dépenses émerger :

Le principe « pollueur-payeur » devrait, en théorie, faire porter l’essentiel de l’effort sur les industriels responsables. En pratique, les contentieux sont longs, complexes, et tous les pollueurs ne sont pas solvables, ni toujours identifiables.

Résultat : une part significative de la facture retombe, au moins dans un premier temps, sur les finances publiques.

Coûts sanitaires différés mais bien réels

Les impacts sanitaires des PFAS se traduisent aussi, à terme, en coûts pour les systèmes de santé :

Des études américaines ont tenté de chiffrer ce « coût sanitaire ». Une publication dans la revue Exposure and Health estimait, en 2022, le coût annuel des expositions aux PFAS aux États-Unis entre 5,5 et 62 milliards de dollars, en intégrant soins, pertes de productivité et impacts sociaux.

En Europe, les ordres de grandeur devraient être comparables, rapportés à la population. Ce sont des coûts diffus, difficiles à attribuer, mais ils pèsent sur l’assurance maladie, donc in fine sur la collectivité.

Contentieux : un nouveau champ pour le droit de l’environnement

Les PFAS ouvrent un nouveau chapitre pour le contentieux environnemental :

Ces procédures ont un coût direct (honoraires, expertises, indemnisations) et un coût indirect : incertitude, blocage de projets, image dégradée d’un territoire.

Pour les finances publiques, l’enjeu est double :

Quelles stratégies pour les entreprises ?

Pour l’industrie, l’inertie devient risquée. Plusieurs axes se dessinent pour limiter l’exposition économique au risque PFAS.

Autrement dit : le sujet ne peut plus être laissé à la seule « compliance ». Il touche directement le produit, l’image, et potentiellement le bilan.

Quelles marges de manœuvre pour les collectivités ?

Les collectivités ont des moyens limités, mais elles ne sont pas condamnées à subir. Plusieurs leviers existent.

Le nerf de la guerre restera le financement. D’où l’importance, pour les élus, de se positionner tôt dans les discussions nationales et européennes sur la répartition des coûts.

Vers un nouveau contrat entre industrie, territoires et État ?

Les PFAS cristallisent une tension centrale de l’économie contemporaine : qui paie le coût réel des performances technologiques dont tout le monde a profité pendant des décennies ?

Les industriels ont bénéficié de ces molécules pour proposer des produits plus performants. Les consommateurs les ont plébiscités. Les pouvoirs publics ont, longtemps, laissé faire ou regardé ailleurs.

Le « temps de la facture » arrive. Il sera long, conflictuel et, souvent, frustrant. Mais il peut aussi être l’occasion de redéfinir, plus clairement, les responsabilités :

Pour les entreprises comme pour les collectivités, l’enjeu est désormais d’anticiper. Car sur le sujet PFAS, ceux qui attendront les contraintes pour bouger risquent de payer plus cher, plus vite, et avec moins de marge de manœuvre.

Quitter la version mobile